Cette saga judiciaire municipale aura fini par brûler les ailes de deux anciennes alliées aux prises avec un conflit larvé.
L’ancienne mairesse de Côte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, Sue Montgomery, a eu gain de cause devant la Cour supérieure le mois dernier contre la Ville de Montréal et sa mairesse Valérie Plante, et la CMQ, après plus de trois ans de dédales administratifs, de guerres d’allégeance et de débats judiciaires.
Résumé d’une décision qui, finalement, n’aura pas empêché la défaite de cette mairesse d’arrondissement aux dernières élections municipales québécoises, en novembre dernier.
L’histoire commence lorsque la mairesse Montgomery, insatisfaite du travail de son directeur d’arrondissement, a demandé à la Ville de Montréal de le remplacer. Elle fait état d’un climat de travail toxique duquel il serait à l’origine. La Ville a mené une enquête, mais le blâme est plutôt porté à l’endroit de la directrice de cabinet de la mairesse. Au tour de la Ville, d’ailleurs, d’exiger de la mairesse Montgomery que son bras droit soit congédié, pour des motifs similaires que ceux que soulevés par Montgomery à l’origine.
Mme Montgomery demande donc d’avoir accès au rapport d’enquête au sujet de sa directrice de cabinet, ce que lui refuse le contrôleur général de la Ville. La position de celui-ci ne change pas : la mairesse d’arrondissement doit congédier son employée, même sans avoir vu ledit rapport.
En décembre 2019, il donne même instruction au directeur de l’arrondissement d’empêcher la communication entre la directrice de cabinet et tous les employés et fonctionnaires de la ville.
Qui plus est, face au refus d’agir de Mme Montgomery, la Ville de Montréal dépose une plainte à son endroit devant la CMQ, en février 2020.
C’est cette dernière plainte qui constitue l’essence du dossier déposé à la Cour supérieure du Québec. Et surtout, on trouvera au cœur de ce litige une remise en question de la collaboration entre la Ville de Montréal et la CMQ.
Le 31 mars 2020, la Ville et la Commission envoient conjointement une mise en demeure à la mairesse Montgomery, suivi d’une demande d’injonction, pour que celle-ci soit interdite de toute communication avec les employés de l’arrondissement Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce.
La mairesse Montgomery avait, quelques semaines auparavant, déposé elle aussi une demande d’injonction pour demander à la Cour supérieure d’empêcher la Ville de Montréal de s’ingérer dans ses affaires internes et ordonner de lui remettre le fameux rapport d’enquête.
Ces deux demandes seront finalement jointes, et jugement est rendu en décembre 2020. Le juge Bernard Synnott ordonne à la Ville de Montréal de mettre fin immédiatement à ce que la mairesse Montgomery qualifiait d’ingérence dans son arrondissement.
« Sauf exception, une injonction ne peut en aucun cas être prononcée pour faire obstacle à l’exercice d’une fonction au sein d’une personne morale de droit public. La fonction de directeur de cabinet en est une qui est prévue à la loi et les mesures déraisonnables imposées par le contrôleur général empêchent l’exercice d’une telle fonction, et ce, même si des mesures peuvent être prises pour que cesse le harcèlement psychologique, » indique le magistrat.
Dans la même décision, il ordonne la remise du rapport d’enquête à la mairesse. Une décision dont la Ville ne fera pas appel.
L’affaire ne s’arrête pas là. Des procédures en déontologie sont encore en cours devant un juge administratif de la CMQ. Sue Montgomery se voit notamment refuser l’arrêt des procédures qu’elle a demandé. La Cour supérieure lui refusera aussi, en avril, sa demande de sursis.
Or, le temps file. Des élections municipales sont prévues pour l’automne 2021, soit près d’un an plus tard. Déjà, le dossier a fait couler beaucoup d’encre.
Sur la place publique, le torchon brûle entre l’arrondissement et la Ville de Montréal. En janvier 2020, Sue Montgomery est expulsée du parti Projet Montréal, bannière sous laquelle elle avait été élue.
Ce n’est qu’en juillet 2021 que Sue Montgomery recevra la décision de la CMQ. Elle est déclarée coupable de 11 manquements déontologiques.
Ce jugement sera entièrement cassé par la Cour supérieure du Québec dans sa plus récente décision. Au centre de ses motifs : les manquements à l’équité procédurale.
La Ville de Montréal et la CMQ ont agi de concert dans leurs procédures à l’endroit de Mme Montgomery. Mise en demeure co-signée par les procureurs de la Ville et de la CMQ, procédures d’injonction conjointes : la Cour supérieure s’est interrogée à plusieurs reprises sur la proximité des deux entités.
Le juge Thomas Davis, en avril 2020, « s’interroge sur l’intérêt de la Commission de prendre une telle position dans le contexte d’un différend entre la Ville et la mairesse Montgomery. »
Dans son jugement de décembre 2020, le juge Bernard Synnott trouve « surprenant (…) que la CMQ puisse poursuivre directement Montgomery et entretenir un litige avec cette dernière alors que la même CMQ devra procéder à une audition disciplinaire impartiale. »
Le juge Pless est sans appel : « Les mesures qui donnent lieu à une appréhension de dépendance étaient tout à fait inutiles et discréditent la Commission (CMQ) et le processus. »
Aux élections de novembre 2021, Sue Montgomery n’a pas été réélue comme mairesse de l’arrondissement Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce, arrivée quatrième au terme du scrutin sous la bannière du parti Courage, qu’elle avait créé.
La décision elle-même de la Cour supérieure dans cette affaire est tombée le 28 janvier dernier, bien après la date des élections.
La principale intéressée s’est montrée soulagée du jugement. Au réseau TVA, elle a déclaré : « Je suis quand même contente, parce que ça crée une jurisprudence très importante, qui dit clairement que ce sont les élus qui ont le pouvoir dans nos arrondissements, dans nos villes, et non pas les fonctionnaires. »
Or, au centre de cette décision se trouve aussi la CMQ, dont l’indépendance est citée clairement comme une valeur cardinale.
Julien D. Pelletier is a lawyer and independent columnist. He helped found the Juripop Legal Clinic, an access-to-justice organization that he led until 2017 as Executive Director, then as General Director. From 2017 to 2019, he served as Special Advisor – Access to Justice to the Barreau du Québec, and subsequently led the Novum Légal team until 2021. He was also a journalist at Radio-Canada in Ottawa, where he covered social issues in the region, particularly homelessness. Julien has been a columnist for ABC National since 2020.
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